Comprendre l’impact des inégalités de genre sur l’aidance

Le 8 mars, journée internationale pour les droits des femmes, c’est l’occasion pour le Collectif Je t’Aide de mettre en avant les femmes aidantes ! Pourquoi comprendre les dynamiques genrées de notre société est primordiale pour comprendre l’aidance ? Cet article revient sur la dimension genrée de l’aidance !

Qui sont les aidant·es?

Aujourd’hui, 60% des aidant.es sont des femmes (1), et ce chiffre monte jusqu’à 74% lorsque les soins des personnes aidées deviennent plus contraignants physiquement et psychiquement. De nombreuses études soulignent le fait que plus l’aide est intense et difficile, plus ce sont les femmes qui restent et qui aident. La dernière étude de la DREES(2) rappelle que là où les hommes déclarent davantage apporter une aide financière, les femmes déclarent apporter une aide plus régulière et tournée vers le soin. Au quotidien, les aidantes assurent 2/3 du volume total de l’aide apportée (3). Cette organisation du travail informel que représente l’aidance est à l’image de l’organisation genrée de notre société. Un phénomène théorisé à travers la notion de “division sexué du travail” par Danièle Kergoat : « Les situations des hommes et des femmes ne sont pas le produit d’un destin biologique mais sont d’abord des construits sociaux. (…) Ils forment deux groupes sociaux engagés dans un rapport social spécifique : les rapports sociaux de sexe. Ces derniers, comme tous les rapports sociaux, ont une base matérielle, en l’occurrence le travail, et s’expriment à travers la division sociale du travail entre les sexes, nommée de façon plus concise : division sexuelle du travail (4) [qui] est la forme de division du travail social découlant des rapports de sexe »(5). Cette division du travail s’observe au sein même des fratries ou familles au sens large (6)

Une aide encore pensée comme “naturelle”

Si l’aidance a mis du temps à être perçu comme un sujet politique, c’est que celle-ci est perçue comme « normale» et relevant de la sphère privée. Alors que les femmes sont traditionnellement rattachées à cette sphère privée, on observe que l’aidance incombe majoritairement aux femmes pour qui cette charge est traditionnellement pensée comme « naturelle » et « évidente ». Les solidarités familiales reposent en majeures parties sur les femmes aidantes (7). De manière générale, les femmes sont rattachées à la notion de soin. Celles-ci se préoccupent davantage de la santé de leurs proches. C’est le cas pour 81% des Françaises. Elles sont d’ailleurs 57% à assumer de façon quasi exclusive la responsabilité de la santé de leurs enfants (contre 5% des hommes)(8). Ce mécanisme d’attribution genrée des tâches vient alors expliquer, en partie, le processus qui se met en place quand on parle d’aidance : ce sont les femmes qui sont pensées comme étant les meilleures personnes pour prendre soin d’un.e proche, pour aider. Chez les aidant.es, certains profils se retrouvent régulièrement, tel que celui des mères d’enfants en situation de handicap ou malades qui réduisent leur temps de travail, voire qui le quittent. Rappelons aussi que les familles monoparentales, dans 8 cas sur 10, ont, à leur tête, une femme. Cela a notamment pour conséquence des cotisations moindres pour leur retraite et un plus faible pouvoir d’achat pendant et après la période d’aidance. Cette précarisation est majorée dans le cas des mères isolées, aidantes d’un ou plusieurs proches, qui n’ont pas de relais familial.

 

Lutter pour les droits des femmes, c’est assurer plus de droits aux aidantes

Le 8 mars, c’est le jour où qui rappelle les inégalités auxquelles font face les femmes. Parler des aidantes, c’est parler des droits des femmes au sens large et comprendre comment ces inégalités se creusent encore davantage dans des situations d’aidance. De manière générale, il est nécessaire de rappeler que notre société connaît encore des inégalités salariales importantes entre les femmes et les hommes – 19% toutes catégories professionnelles confondues. Si les salaires à poste égaux sont sujets à des inégalités, il est aussi important de rappeler que 28,4% des femmes actives sont à temps partiel contre 8,3% des hommes actifs. Aussi, suite à une séparation, les inégalités de niveau de vie se creusent : une femme perd 20% de son niveau de vie contre 3% pour un homme (11). Il est nécessaire de comprendre la place des femmes aidantes dans la société, d’abord en tant que femmes subissant déjà certaines inégalités, avant même de subir celles liées à l’aidance. Alors que les femmes se heurtent souvent à l’obstacle de la “double journée” dans le développement d’autres projets, on peut dire que les femmes aidantes se voient confronté à l’obstacle de la “triple journée”.  

À l’heure où les débats autour de la réforme des retraites amène une forte mobilisation et où les associations féministes appellent à la grève, il est urgent de repenser le travail des femmes. Ce 8 mars 2023, défendons et parlons des droits des femmes, des inégalités entre les femmes et les hommes, pour que la société ne fasse plus reposer son travail informel sur les femmes qui la composent. 

Comment lutter contre les inégalités que subissent les aidantes ?

Parler des droits des femmes, c’est s’organiser pour acquérir davantage de droits auprès des pouvoirs publics. Le 8 mars, c’est l’occasion de répondre à l’appel des associations féministes et de mettre en avant les droits des femmes : en en parlant, en lisant, en allant marcher ou en s’engageant !

Dans le cadre de son 6ᵉ plaidoyer “l’articulation des temps de vie”, le Collectif Je t’Aide diffuse sa consultation nationale à destination des aidant.es et ancien.nes aidant.es. Vous êtes concerné.es ? Répondez à la consultation, en cliquant ici, afin de faire entendre votre voix !

Sources

1. Baromètre Fondation April, 2022.
2.
Thomas Blavet (DREES, Institut des politiques publiques, Paris School of Economics) (2023, janvier). 9,3 millions de personnes déclarent apporter une aide régulière à un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie en 2021. Études et résultats, 1255.
3.  Ligue des Droits de l’Homme (2016), Agir contre les écarts de salaires homme et femme (GPG) – prendre en compte le cas des aidant.e.s informelles, p.9.
4.
Le terme de « division sexuée du travail » est aujourd’hui plus fréquemment employé.
5. Danièle Kergoat, Division sexuelle du travail, in Dictionnaire critique du féminisme, PUF, 3ème tirage, 2013.
6.
Besnard, Xavier, et al. « Les proches aidants des seniors et leur ressenti sur l’aide apportée. Résultats des enquêtes «CARE» auprès des aidants (2015-2016)».» Les Dossiers de la DREES 45 (2019)
7.
Mélanie Gagnon et Catherine Beaudry, « Le bras de fer de la conciliation vie professionnelle-responsabilités de soins des aidantes en emploi : entre équilibre et décrochage », Enfances Familles Générations [En ligne], 32 | 2019, mis en ligne le 15 mai 2019
8.
Santé des femmes : ce que révèle l’étude inédite d’AXA Prévention. 23 septembre 2021
9. Fondation
des femmes, Genre et statistiques, “Le coût des inégalités”, Mars 2022.
10.
France Stratégie, “Le coût économique des discriminations”, Rapport, déc. 2016
11.  “Les variations du niveau de vie des hommes et des femmes à la suite d’un divorce ou d’une rupture de Pacs”, Couples et Familles, Insee références, 2015.

Participez à la Consultation Nationale

8 mars 2023 – 8 femmes aidantes

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