Association des Aidants et Malades à corps de Lewy
Interview Philippe de Linares, Président de l’Association des aidants et malades à corps de Lewy
L’A2MCL est la seule association française dédiée exclusivement à la maladie à corps de Lewy (MCL). Elle est née d’un réseau d’aidants de malades à corps de Lewy qui éprouvaient le besoin d’échanger entre eux et de sortir de l’isolement. Elle a été créée en décembre 2018, il y a tout juste deux ans. Ses principales missions sont de faire connaître cette maladie auprès du grand public ainsi que des instances médicales et associatives, de promouvoir la recherche et de soutenir, accompagner et représenter les malades ainsi que leurs aidants. Elle mène ses actions dans la France entière. Catherine Laborde en est la marraine de l’A2MCL et le Centre de Neurologie Cognitive de l’hôpital Fernand Widal, dirigé par la Pr Claire Paquet, accueille la permanence de l’association.
A qui vous adressez-vous exactement ?
En priorité aux malades et aux aidants qui accompagnent un proche atteint par la MCL. L’association a développé de nombreux outils pour rompre leur isolement et leur apporter un soutien pratique et moral face à cette maladie dont la prise en charge est presque toujours insuffisante et inadaptée. Ces familles sont souvent dans un désarroi absolu. Beaucoup arrivent après un parcours plus ou moins long d’errance diagnostique, liée à une méconnaissance de la maladie, trop souvent confondue ou « apparentée » à la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson. Cette confusion est préjudiciable tant pour les malades que pour les aidants. Ces familles qui sont en première ligne contre la maladie, ont besoin d’être informées et écoutées.
Nous nous adressons également aux soignants qui accompagnent les malades. Nous les mettons en relation entre eux, nous leur fournissons toutes les informations que nous pouvons recueillir sur la maladie et l’actualité médicale et nous soutenons les chercheurs ou les étudiants qui travaillent sur la maladie à corps de Lewy.
Qu’est-ce qui a déclenché votre engagement ?
J’ai accompagné ma femme qui souffrait de la maladie à corps de Lewy et qui est décédée en 2016. En tant qu’aidant, je n’ai trouvé nulle part de bonnes informations sur la maladie et comment accompagner un malade. J’ai donc moi-même été victime du manque de connaissance et de soutien face à cette maladie. Je me suis tourné vers plusieurs associations ou structures, mais aucune n’a été capable de simplement me mettre en relation avec d’autres aidants de malades à corps de Lewy. Je me suis senti très seul et comme disait Malraux, « La pire souffrance est dans la solitude qui l’accompagne ».
J’ai fini par trouver, grâce à quelques forums sur Internet, une poignée d’aidants de malades à corps de Lewy avec qui j’ai enfin pu partager mon expérience et nous avons alors créé un réseau d’échanges sur Internet, spécifique à la maladie à corps de Lewy et destiné exclusivement aux aidants.
Tous nous avons découvert à quel point ces échanges nous soulageaient et que nous avions un énorme besoin d’informations sur la MCL. Ce groupe d’échange qui a quatre ans d’existence, rassemble aujourd’hui plusieurs centaines d’aidants.
Simultanément, j’ai rencontré deux spécialistes de la MCL, les professeurs Claire Paquet et Frédéric Blanc qui m’ont incité à développer une structure spécifique à la MCL, maladie qui a besoin d’être reconnue par les instances médicales et le monde de la recherche.
À la fin de l’année 2018, pour faire sortir la maladie du silo des maladies dites « apparentées », et pour qu’elle soit enfin prise en compte avec ses particularités, il est apparu indispensable de créer une association qui lui soit entièrement dédiée. La création de L’A2MCL a été annoncée à l’occasion du premier colloque en France sur la maladie à corps de Lewy, en janvier 2019.
Quelle est la mission poursuivie par vous et vos équipes ?
Notre équipe est constituée majoritairement d’aidants et d’anciens aidants. Nous avons tous un parcours et une histoire personnelle avec la maladie. C’est ce qui nous anime et nous relie. Si notre principale mission est de mettre notre expérience au service des familles pour les informer et les soutenir, nous sommes aussi convaincus qu’une meilleure connaissance de la maladie favorisera un accompagnement adapté des malades et des aidants. La MCL touche environ 180 000 personnes en France dont les 2/3 ne sont pas diagnostiqués en dépit des critères cliniques du Pr Ian G. McKeith qui font l’objet d’un consensus international et qui sont assez simples. La maladie à corps de Lewy est la deuxième cause des maladies neuro-évolutives après la maladie d’Alzheimer. Il est donc essentiel de porter auprès des institutions, des professionnels de santé et des pouvoirs publics, la voix des familles. C’est également un défi pour les traitements et l’avancée de la recherche qui n’est pas encore suffisamment prise en compte. Les anglais disent que « c’est la maladie la plus fréquente dont vous n’avez jamais entendu parler ». Cette reconnaissance fait partie de notre combat.
Quels services proposez-vous pour les aidants ?
Nous avons un site internet très complet exclusivement dédié à la maladie à corps de Lewy (www.a2mcl.org) et nous éditons régulièrement des documents et des brochures d’information. Pour échanger avec les familles, nous avons mis en place une permanence téléphonique avec, en cas de nécessité, une aide psychologique ainsi qu’une aide juridique. Notre comité scientifique, présidé par le Professeur Frédéric Blanc, au-delà de la constitution de projets de recherche ou des masters que nous finançons, apporte aux aidants les informations médicales essentielles sur la maladie. Nous organisons des formations et des réunions d’aidants, animons des formats « live» et des groupes de paroles sur les réseaux sociaux. En parallèle, nous participons régulièrement à des enquêtes et des colloques, nous intervenons dans les structures susceptibles d’accompagner des malades, tels que les EHPADs pour informer sur la maladie.
Quel regard portez-vous sur la situation des aidant.e.s aujourd’hui ?
Les lignes bougent grâce aux associations, aux collectifs, aux acteurs de terrain mais la gestion de la dépendance et la place de l’aidant dans notre pays restent un des enjeux majeurs de notre société. Il est impératif d’améliorer le statut et la qualité d’accompagnement des aidants, de développer et faciliter l’accès à des structures de répit et à des lieux d’hébergement adaptés et innovants, de favoriser la formation, de restructurer en profondeur les dispositifs du maintien à domicile sur un système de solidarité digne et ambitieux. Selon le baromètre d’opinion 2020 de la Drees, huit aidants sur dix déclarent ne pas se sentir suffisamment aidés et considérés par les pouvoirs publics. Pour ce qui concerne les aidants de malades à corps de Lewy, on peut considérer que c’est probablement dix sur dix. Une enquête récente réalisée par des psychologues de l’université Grenoble Alpes auprès de plus de 200 aidants de malades à corps de Lewy a montré qu’une majorité souffrait de troubles anxieux et qu’environ un tiers était atteint de dépression. S’occuper d’une personne dépendante est une expérience extrême, particulièrement lorsqu’il s’agit d’une personne souffrant de MCL, notamment pour les jeunes adultes aidants qui ont du mal à ne pas se sacrifier à un moment charnière de leur existence. On s’est beaucoup reposé sur les aidants, il est de temps de les aider.
Quel(s) combat(s) menez-vous aujourd’hui ? Quelles évolutions voulez-vous voir émerger ?
Nous souhaitons être reconnus par les principales organisations et instances médicales.
Continuer à faire connaître la MCL pour qu’elle ne soit plus considérée comme une maladie « apparentée » mais comme une maladie à part entière.
Mais tant qu’il n’existera pas de codification ALD (Affection Longue Durée) spécifique à la MCL comme pour les autres maladies neurodégénératives, on ne pourra pas faire de véritable étude épidémiologique en France. Nous devons remédier à cela en sensibilisant les pouvoirs publics et les autorités médicales.
Les malades à corps de Lewy ont la particularité d’être parfaitement conscients de leur dégradation tant physique qu’intellectuelle et gardent pendant longtemps cette lucidité. La MCL n’est pas qu’une maladie du grand âge et elle peut se manifester parfois bien avant 60 ans. Il n’existe pas de lieux qui soit dédiés à ces malades ni dans les accueils de jours ni dans les EHPADs, et leur accompagnement quotidien nécessite du personnel formé. Il est donc indispensable de faire « reconnaître » cette maladie.
Nous souhaitons également, mobiliser les professionnels de santé pour favoriser le diagnostic précoce des malades et leur éviter cette errance diagnostique qui dure souvent plusieurs années.
Il est temps maintenant d’ouvrir des centres experts consacrés à la maladie à corps de Lewy, comme il en existe pour les autres maladies neurodégénératives. La Professeur Claire Paquet a créé au sein du Centre de Neurologie Cognitive Fernand Widal, une Unité Fonctionnelle spécifique à la MCL. Nous soutenons ce type de projets.
Nous travaillons à mettre en place de manière pérenne, une organisation régionale de formation et d’accompagnement des familles. Enfin, nous faisons tout notre possible pour promouvoir, encourager la recherche et dès maintenant apporter un modeste financement.
Comment pouvons-nous vous aider ?
Pour que les choses avancent, nous devons unir nos forces. Ce combat nous concerne tous. Statistiquement, chacun connaît au moins une personne qui connaît quelqu’un atteint par la maladie à corps de Lewy et qui ne le sait probablement pas.
Plus nous aurons d’adhérents, plus la voix des malades et des aidants que nous portons sera entendue. Il est possible de soutenir nos actions en adhérant à l’association ou en faisant un don
(https://www.a2mcl.org/827_p_53426/adherer.html https://www.a2mcl.org/827_p_53432/faire-un-don.html ). Mais également en diffusant le lien de notre site internet. Il faut tout simplement parler de la maladie à corps de Lewy.
Et pour conclure, quelles sont vos prochaines actualités ? Comment pouvons-nous vous contacter ?
L’ A2MCL fête ses deux ans d’existence. C’est encore une toute petite association. Beaucoup de choses se sont passées depuis mais tout reste encore à faire. Il faut continuer à faire connaître cette maladie
Nous prévoyons un colloque sur la MCL à Marseille en 2021, qui se fera probablement en visioconférence.
En lien avec notre comité scientifique, nous envisageons d’élaborer une enquête nationale sur la maladie à corps de Lewy.
Récemment, il y a eu la sortie du nouveau livre de Catherine Laborde et son mari Thomas Stern « Amour Malade » (Plon). Un récit à deux voix pour parler de la relation aidant-aidé, aider-aimer ou quand la maladie à corps de Lewy vient bouleverser le couple.
Katia Chapoutier a réalisé pour France 5 un reportage sur la maladie à corps de Lewy, en plusieurs épisodes et sous un format de 26 minutes, reportage dont nous attendons la diffusion au premier trimestre 2021.
A2MCL
ASSOCIATION DES AIDANTS ET MALADES A CORPS DE LEWY
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