Tout savoir sur le sentiment de culpabilité chez les aidant.e.s
Culpabilité de ne pas adopter la bonne attitude, les bons gestes, les bons mots, sentiment d’impuissance face à la maladie, à la perte d’autonomie, culpabilité de devoir déléguer certains actes à des personnes extérieures, sentiment d’abandonner son proche.
Pourquoi l’aidant.e culpabilise ? Comment faire pour se détacher de ce sentiment ? Alexandra Parois, responsable du pôle psychologique et Julie Lorieau, psychologue chez RMA (Ressources Mutuelles Assistance) apportent leur éclairage sur toutes ces questions.
« Mon mari est atteint d’aphasie neurodégénérative. Je suis certainement très égoïste mais j’ai du mal à vivre cloîtrée dans un petit village ayant toujours habité en ville. Nous n’avons pas d’enfants ni de famille proche alors parfois je pleure mais comme dit le médecin : “si vous lâchez, tout s’écroule”, et moi si je m’écroule, que deviendra mon mari ? »
Pourquoi l’aidant.e ressent-il.elle de la culpabilité envers son proche? Qu’est-ce qui déclenche ce mécanisme ?
Parfois la culpabilité, quand elle est faiblement dosée, peut venir soutenir le rôle de l’aidant, pour continuer à avancer et quand cela devient trop difficile à canaliser. C’est une émotion qui va jouer un rôle de levier car elle va permettre à l’aidant.e de rester toujours aussi investi.e, mais dans une certaine mesure, il faut éviter que ce sentiment ne prenne trop de place même si parfois cela peut lui permettre de tenir. Tout est question de dosage finalement.
La culpabilité peut générer une souffrance psychique importante avec une oppression, la possibilité du coup à lâcher de temps en temps ce rôle-là pour pouvoir se ressourcer. Il y a vraiment les deux versants.
Le sentiment de culpabilité peut aussi se manifester par de l’agressivité chez certain.e.s aidant.e.s et qui peut être transféré sur le personnel soignant, les aides à domicile. Ceux-ci font un peu à la place de l’aidant.e, qui pense être devenu l’expert, celui.celle qui voulait tout porter et qui se sent désinvesti.e de sa mission ou en échec par rapport au devoir qu’il.elle s’était imposé.
La culpabilité peut se transformer en une multitude de sentiments négatifs différents, qui sont source de souffrance et se manifestent différemment en fonction de la personne.
Il y a parfois de la révolte face à la détérioration de la santé de son proche, il peut y avoir des angoisses de perdre son parent.
Comment y faire face ? Quels conseils peut-on donner aux aidant.e.s pour atténuer ce sentiment de culpabilité ?
Le premier pas est peut-être de prendre conscience que ce sentiment de culpabilité devient envahissant, provoque de la souffrance et impacte même le quotidien et la relation d’aide. Il faut pouvoir s’autoriser à en parler.
Le regard extérieur avec un peu de reconnaissance, parfois juste souligner que ce qu’ils font au quotidien, c’est déjà énorme pour les aidant.e.s.
Ils.elles sont parfois dans un tel huis clos qu’ils.elles ne prennent plus la mesure de ce qu’ils accomplissent au quotidien.
Une des premières soupapes pour soulager l’aidant.e est de pouvoir se faire aider, qu’il.elle puisse aménager un espace de paroles pour lui.elle, auprès d’un.e psychologue quand cela est possible et accessible pour lui.elle.
Il peut aussi être utile de s’accorder un temps d’échanges avec d’autres aidant.e.s pour pouvoir mettre des mots sur ce ressenti et pour ne pas rester dans l’isolement par rapport à la souffrance que cela peut générer. Le fait d’entendre d’autres retours d’expériences peut permettre de mettre un peu à distance cette culpabilité.
Le rôle du soutien psychologique va avoir du sens pour maintenir l’équilibre que l’aidant.e a mis en place et dans ce qu’il fait, dans ce qu’il investit mais aussi dans les émotions que cela engendre. Il va lui permette de continuer à avancer correctement sans se mettre complètement de côté.
C’est pas-à-pas que l’on va arriver à faire déculpabiliser l’aidant.e, à le.la faire accepter des aides extérieures. Prendre ces décisions est un cheminement et c’est d’autant plus difficile quand on a le sentiment d’avoir pris cette décision à l’insu du proche aidé, cela peut être extrêmement violent. Il faut pouvoir expliquer les besoins de l’aidé, lorsque le proche a besoin d’être placé dans un établissement spécialisé, il en va de la sécurité de la personne et aussi des limites de l’aidant.e.
Chez tous.tes les aidant.e.s il y a des limites, ils.elles ne peuvent pas pallier toutes les compétences, être sur tous les fronts et se substituer à tous les corps de métiers.
Il faut pouvoir redonner à l’aidant.e sa place dans la sphère familiale.
Il va falloir lui expliquer qu’il.elle a investi un rôle qui a pris beaucoup de place à un moment et qu’il faut réaménager un rôle qui soit un peu différent. Comment il va pouvoir se reconstruire autour de ce vide qui a été créé par le placement en institution ou parce que quelqu’un d’autre a pris le relais.On appelle cela une relation de co-dépendance. Une phrase illustre bien cette notion : « je suis indispensable et le proche aidé m’est devenu nécessaire ».
Il faut que l’aidant.e apprenne à réaménager son quotidien.
Si l’on perçoit des signes d’épuisement, il faut que l’aidant.e s’accorde du répit, mais cela se fait progressivement, c’est un cheminement qui doit venir de l’aidant.e, il ne s’agit pas de lui imposer quoi que ce soit.
Le conseil le plus simple serait de pouvoir proposer à la personne d’être attentif à ce qu’elle ressent, à s’autoriser à en dire quelques mots à ses proches, à son médecin, pour essayer de ne pas s’isoler et que d’autres personnes autour puissent être un peu sentinelle et être attentives à la place de l’aidant.e et ainsi à ce qu’il.elle puisse prendre du temps pour lui.elle.
C’est important de pouvoir s’autoriser à parler et à exprimer ses besoins propres même si le fait de demander, de parler est paradoxal avec leur propre posture d’aidant.e.
L’aide et l’écoute peuvent également venir d’intervenants du CLIC (Centre Local d’Information et de Coordination), d’une aide à domicile ou même d’une voisine ou d’un membre de la famille.
Par ailleurs, le lien social est fondamental pour l’aidant.e mais aussi pour la personne aidée. Un huis clos est délétère pour l’aidant.e et l’aidé.e.
Pour conclure, ressentir de la culpabilité est tout à fait normal et quand on en prend conscience soit on garde cela pour soi, soit on se dit « je ne suis pas à la hauteur de ce que j’aurais souhaité, comment puis-je faire autrement, comment améliorer les choses ?” Et là on s’oriente vers quelque chose d’un peu plus porteur.